Guérir des traumatismes avec la Somatic Experiencing® : Quand le corps retrouve son chemin vers la guérison .
- Maïté.FM

- 11 nov.
- 20 min de lecture
Un article approfondi sur cette approche psychocorporelle qui transforme notre compréhension du traumatisme et permet de guérir d'un traumatisme

Une rencontre avec l'intelligence du corps
Imaginez un moment où votre corps a réagi avant même que votre esprit ne comprenne ce qui se passait. Cette accélération du cœur face à un danger, cette tension qui vous a fait reculer instinctivement, ce souffle coupé devant l'inattendu. Votre corps sait. Il sait depuis toujours comment survivre, comment se protéger, comment réagir face à la menace.
Mais que se passe-t-il lorsque ces réactions protectrices n'ont pas pu aller jusqu'au bout ? Lorsque l'énergie mobilisée pour fuir ou se défendre reste emprisonnée dans nos tissus, nos muscles, notre système nerveux ? C'est précisément cette question qui a guidé Peter A. Levine, biologiste et psychologue, vers la création du Somatic Experiencing®. C'est une nouvelle réponse pour guérir d'un stress post traumatique.
Le Somatic Experiencing® (SE) n'est pas simplement une méthode thérapeutique de plus. C'est une invitation profonde à reconnecter avec la sagesse innée du corps, à écouter ces messages que nous avons appris à ignorer, à permettre enfin à ces réponses inachevées de trouver leur résolution naturelle.
Les racines du Somatic Experiencing® : Une observation de la nature
Ce que les animaux sauvages nous enseignent

Peter Levine raconte souvent cette observation fondatrice : dans la nature, les animaux vivent régulièrement des situations de danger mortel. Une gazelle poursuivie par un guépard mobilise une quantité phénoménale d'énergie de survie. Si elle échappe à son prédateur, quelque chose de remarquable se produit : elle tremble, elle respire profondément, elle secoue son corps pendant plusieurs minutes.
Puis elle retourne brouter comme si rien ne s'était passé.
Cette gazelle ne développe pas de syndrome de stress post-traumatique. Pourquoi ? Parce qu'elle a permis à son système nerveux de compléter le cycle de la réponse au stress, de libérer toute l'énergie mobilisée pour survivre.
Comme le dit Peter Levine :
"Le trauma n'est pas dans l'événement lui-même, mais dans le système nerveux de la personne."
Ce qui crée le traumatisme, ce n'est pas tant ce qui nous arrive, mais ce qui reste bloqué à l'intérieur de nous, cette énergie de survie qui n'a pas trouvé son chemin vers la résolution.
L'être humain et l'interruption de la décharge naturelle
Nous, êtres humains, possédons les mêmes mécanismes de survie que les animaux. Face au danger, notre système nerveux active automatiquement des réponses instinctives : la fuite (courir, s'échapper), la lutte (se défendre, repousser), ou l'immobilisation (se figer, faire le mort).
Mais contrairement aux animaux sauvages, de nombreux facteurs viennent interrompre notre processus naturel de décharge :
Les contraintes sociales : "Ne pleure pas", "Sois fort", "Ne fais pas de scène"
La sidération : cette paralysie qui nous empêche de bouger ou de crier
L'impossibilité d'agir : lors d'une agression, d'un accident, d'une intervention médicale
Le mental qui prend le dessus : nous analysons, nous intellectualisons, nous rationalisons, mais nous ne laissons pas le corps terminer ce qu'il avait commencé
Peter Levine écrit dans Waking the Tiger :
"Le traumatisme se produit lorsque notre capacité innée à réagir à une menace perçue est en quelque sorte submergée, et que notre système de régulation normal ne parvient pas à retrouver l'équilibre."
Cette énergie non libérée reste alors stockée dans notre système nerveux, créant ce que nous appelons les symptômes post-traumatiques.
Comprendre le traumatisme autrement : Une perspective révolutionnaire pour guérir des traumatismes
Le traumatisme n'est pas l'événement

C'est peut-être l'enseignement le plus libérateur du Somatic Experiencing® : le traumatisme ne réside pas dans ce qui nous est arrivé, mais dans la façon dont notre système nerveux a été submergé et n'a pas pu retrouver son équilibre. C'est à la suite d'un traumatisme que s'imprime dans le corps un état de stress post traumatique qu'il faut prendre en charge et guérir.
Deux personnes peuvent vivre le même événement : l'une développera un stress post-traumatique, l'autre non. La différence ?
La capacité du système nerveux à traiter et à intégrer l'expérience, la possibilité d'exprimer les réponses de défense, la présence ou l'absence de soutien immédiat, les ressources internes disponibles à ce moment-là.
Cela signifie aussi qu'un événement qui peut sembler "mineur" de l'extérieur peut créer un traumatisme profond si le système nerveux a été submergé. Une chute dans l'enfance, une humiliation publique, une intervention médicale, une séparation brutale – tout cela peut laisser une empreinte traumatique si les conditions de régulation n'étaient pas réunies.
Les manifestations du traumatisme dans le corps
Lorsque l'énergie de survie reste bloquée, elle ne disparaît pas. Elle continue d'exister dans notre système nerveux et se manifeste de multiples façons :
Sur le plan physiologique :
Hypervigilance constante : ce sentiment d'être toujours "sur le qui-vive"
Troubles du sommeil : difficultés d'endormissement, réveils nocturnes, sommeil non réparateur
Tensions musculaires chroniques : mâchoires serrées, épaules nouées, nuque douloureuse
Fatigue persistante : cet épuisement qui ne passe pas malgré le repos
Troubles digestifs : le ventre qui se noue, les intestins en réaction permanente
Douleurs inexpliquées : ces sensations corporelles que la médecine conventionnelle ne parvient pas à expliquer
Sur le plan émotionnel et psychologique :
Anxiété diffuse ou attaques de panique
Irritabilité, colères disproportionnées
Sentiment de déconnexion, d'être "dans le brouillard"
Difficulté à ressentir les émotions, engourdissement affectif
Sentiment d'être coupé de son corps, dissociation
Difficultés relationnelles, méfiance excessive
Sur le plan comportemental :
Évitement de certaines situations, lieux ou personnes
Comportements compulsifs ou addictifs
Difficultés de concentration
Réactions disproportionnées face à des stimuli apparemment anodins
Les principes fondamentaux du Somatic Experiencing® : Une approche unique pour guérir des traumatismes
1. Le "felt sense" : Le sens ressenti au cœur de l'approche
Le concept de felt sense, emprunté à Eugene Gendlin, est central dans l’approche de la Somatic Experiencing® (SE) . Il s'agit de cette expérience intérieure, souvent difficile à mettre en mots, qui précède la pensée et l'émotion nommée.
C'est cette sensation de "quelque chose" dans la poitrine, ce "poids" dans le ventre, cette "chaleur" qui monte, cette "oppression" qui se resserre. C'est le langage premier du corps, celui qui parle avant les mots.
Dans une séance de SE, le praticien guide votre attention vers ces sensations subtiles, ces micro-mouvements internes, ces fluctuations de température, de densité, de texture. Non pas pour les analyser, mais simplement pour les observer, les accueillir, leur permettre d'exister et de se transformer.
2.L'art de la dose minimale
Peter Levine utilise souvent la métaphore du chimiste qui ajoute une substance goutte à goutte dans un mélange, observant attentivement chaque réaction.
En SE, nous n'allons jamais "plonger" directement dans le trauma. Au contraire, nous travaillons par touches minuscules, par petites doses soigneusement calibrées. Nous approchons une sensation liée au stress ou au trauma de manière infinitésimale, puis nous observons la réponse du système nerveux.
Cette approche permet au système nerveux d'intégrer progressivement ce qui était trop intense, sans être submergé à nouveau. Comme le dit Levine : "Nous devons ralentir, pas accélérer le processus. La vitesse est l'ennemie de la profondeur."
Exemple concret :
Sophie vient en séance en évoquant une agression qu'elle a subie il y a deux ans. Plutôt que de lui demander de raconter en détail ce qui s'est passé, je l'invite d'abord à sentir ses pieds sur le sol, à remarquer la température de l'air sur sa peau, à observer sa respiration. Nous établissons d'abord une base de sécurité.
Puis, très progressivement, je lui demande : "Si vous pensiez juste une seconde à cet événement, où est-ce que vous le sentiriez dans votre corps ?"
Elle mentionne une tension dans la gorge. Nous ne creusons pas immédiatement. Nous observons simplement cette tension, sa qualité, sa forme. Puis nous revenons aux sensations agréables de ses pieds sur le sol. Ce va-et-vient doux permet à son système nerveux de commencer à intégrer l'expérience sans être submergé
3. Le mouvement naturel de la régulation
La pendulation décrit ce mouvement d'oscillation naturel entre des états d'activation et de repos, entre inconfort et confort, entre tension et détente.
Imaginez un pendule : il ne reste jamais figé d'un côté. Il oscille naturellement d'un extrême à l'autre, et c'est ce mouvement même qui lui permet de retrouver progressivement son centre.
En SE, nous facilitons cette pendulation naturelle du système nerveux.
Nous guidons l'attention entre :
Une zone de ressource (sensations agréables, neutres, sécurisantes)
Une zone d'activation (liée au stress ou au trauma)
Ce mouvement permet au système nerveux de ne pas rester bloqué dans l'hyperactivation ou dans l'effondrement, mais de retrouver sa fluidité naturelle.
Exemple concret :
Marc, cadre supérieur, consulte pour un burn-out. Son système nerveux est constamment en hyperactivation. En séance, quand je l'invite à sentir la tension dans ses épaules (activation), je remarque que sa respiration devient courte et que son visage se crispe.
Je l'invite alors à revenir à une sensation de ressource qu'il a identifiée : la sensation de ses mains posées sur ses cuisses, leur chaleur, leur poids. Son visage se détend légèrement. Nous restons là quelques instants.
Puis, très brièvement, nous retournons aux épaules tendues. Puis à nouveau aux mains. Ce mouvement de pendulation, répété plusieurs fois, permet à son système nerveux de commencer à "apprendre" qu'il peut aller dans l'activation sans y rester bloqué, qu'il existe un chemin de retour vers la régulation.
4. Le suivi des décharges neurovégétatives
Le système nerveux a sa propre intelligence. Lorsqu'on lui en donne l'opportunité, il cherche naturellement à compléter les réponses de survie et à libérer l'énergie bloquée.
En SE, nous sommes attentifs aux signes de cette décharge naturelle :
Des tremblements spontanés (comme la gazelle qui secoue son corps)
Des bâillements profonds
Des changements de température corporelle
Des fluctuations dans la respiration
Des mouvements involontaires, même minimes
Des sons ou soupirs spontanés
Des changements de coloration de la peau
Ces manifestations ne sont pas provoquées ou forcées. Elles émergent naturellement lorsque le système nerveux sent qu'il est en sécurité pour relâcher ce qu'il retenait.

5. L'achèvement des réponses de défense incomplètes
C'est peut-être l'aspect le plus distinctif et le plus puissant du SE : permettre au corps de compléter les mouvements de défense qui n'ont pas pu se déployer au moment du trauma.
Peter Levine explique :
"Le trauma est peut-être la maladie humaine la plus évitée, ignorée, niée, incomprise et non traitée. Pourtant, il n'a pas besoin de l'être."
Dans une agression, vous avez peut-être voulu repousser l'agresseur mais vous étiez tétanisé. Dans un accident, vous avez peut-être voulu freiner ou vous protéger le visage, mais tout s'est passé trop vite. Dans une chute, votre corps a peut-être amorcé un mouvement pour vous rattraper, mais il n'a pas eu le temps de le terminer.
Ces mouvements inachevés restent dans le système nerveux comme des boucles ouvertes, créant une activation permanente.
En SE, nous offrons au corps l'opportunité de compléter ces mouvements, de manière très douce, souvent imperceptible de l'extérieur :
Exemple concret :
Claire a vécu un accident de voiture il y a cinq ans. Elle décrit qu'elle a "vu le camion arriver" mais qu'elle n'a "rien pu faire". Depuis, elle a des tensions permanentes dans le cou et les épaules, et une anxiété intense en voiture.
En séance, lorsque nous explorons très doucement les sensations liées à cet accident, je remarque que ses mains font un micro-mouvement vers l'avant, comme si elles voulaient pousser quelque chose. Je l'invite simplement à remarquer ce mouvement, à le laisser se développer un tout petit peu plus, sans forcer.
Ses bras se tendent légèrement vers l'avant, elle ressent de la force dans ses bras, puis une chaleur monte dans sa poitrine. Elle prend une grande inspiration spontanée. Ses épaules s'abaissent. Son visage change.
Ce qui vient de se passer : son corps a pu compléter le mouvement de défense (pousser, repousser) qu'il avait initié mais n'avait pas pu réaliser. Cette complétion a permis à son système nerveux de "clore" la boucle ouverte de l'accident.
6. Les ressources : Le fondement de tout le travail pour guérir des traumatismes
Avant tout travail sur le trauma lui-même, le SE pose une base solide de ressources internes et externes.
Les ressources peuvent être :
Sensorielles : une sensation agréable dans le corps (chaleur, détente, ancrage)
Relationnelles : le souvenir d'une personne bienveillante, un animal de compagnie
Environnementales : un lieu qui vous apaise, un paysage qui vous fait du bien
Expérientielles : un moment où vous vous êtes senti fort, capable, en sécurité
Imaginaires : une image, une couleur, un symbole qui évoque la force ou la paix
Peter Levine insiste :
"Les ressources sont comme un compte en banque. Nous devons avoir suffisamment de capital avant de faire des retraits."
Sans ressources suffisantes, le travail sur le trauma risque de submerger à nouveau le système nerveux. Avec des ressources solides, nous créons un filet de sécurité qui permet d'explorer les zones difficiles sans danger.
Exemple concret :
Thomas consulte après un accident de travail qui l'a laissé avec des douleurs chroniques et une anxiété importante. Avant toute exploration du trauma, nous passons deux séances entières à identifier et à renforcer ses ressources.
Il découvre qu'il se sent ancré et en sécurité quand il sent le contact de ses pieds avec le sol, avec ses chaussures de randonnée. Nous approfondissons cette sensation : le poids, la stabilité, la texture. Il évoque aussi son chien, la sensation de chaleur et de douceur quand il le caresse. Nous prenons le temps de vraiment sentir ces expériences dans son corps.
Ces ressources deviennent ses "points d'ancrage". Chaque fois que nous explorerons une zone d'activation, il saura qu'il peut revenir à ces sensations ressources. Cela change tout.
Le système nerveux au cœur de la guérison
La théorie polyvagale : Un éclairage essentiel
Le Somatic Experiencing® s'enrichit considérablement de la théorie polyvagale développée par Stephen Porges. Cette théorie nous aide à comprendre comment notre système nerveux autonome régule nos états internes et nos réponses au stress.
Le nerf vague, qui parcourt notre corps de la base du crâne jusqu'aux organes digestifs, joue un rôle central. Porges identifie trois systèmes de réponse au stress, organisés hiérarchiquement :
1. Le système d'engagement social (nerf vague ventral)
C'est notre état optimal : calme, présent, capable de connexion
Nous pouvons communiquer, entrer en relation, apprendre
Notre visage est expressif, notre voix modulée, notre respiration fluide
2. Le système de mobilisation (système sympathique)
Face à un danger, nous activons la fuite ou la lutte
Accélération cardiaque, tension musculaire, respiration courte
Toute notre énergie est mobilisée pour l'action
3. Le système d'immobilisation (nerf vague dorsal)
Quand la fuite et la lutte sont impossibles, nous nous figeons
C'est la stratégie de dernier recours : "faire le mort"
Ralentissement des fonctions vitales, engourdissement, dissociation
Dans le trauma, nous restons souvent bloqués dans les systèmes de mobilisation (anxiété, hypervigilance) ou d'immobilisation (dépression, épuisement, dissociation). Le SE aide à réactiver progressivement le système d'engagement social, permettant au système nerveux de retrouver sa flexibilité.
Les fenêtres de tolérance
Dan Siegel a développé le concept de "fenêtre de tolérance" : cette zone optimale où nous pouvons fonctionner, ressentir, être en relation sans être submergés ni engourdis.
En dehors de cette fenêtre :
Au-dessus : hyperactivation (anxiété, agitation, colère, panique)
En-dessous : hypoactivation (engourdissement, dissociation, dépression, effondrement)
Le trauma rétrécit considérablement notre fenêtre de tolérance. Des stimuli minimes nous font basculer hors de cette zone de régulation.
Le SE vise à élargir progressivement cette fenêtre, à augmenter notre capacité à ressentir sans être submergés, à tolérer des niveaux d'activation plus importants sans perdre notre ancrage.
Le déroulement d'un accompagnement en Somatic Experiencing®
Première séance : Établir la sécurité et les ressources
Lors d'une première rencontre, nous ne plongeons jamais directement dans le trauma. La priorité absolue est d'établir :
1. Un sentiment de sécurité relationnelle
Le lien thérapeutique comme première ressource
Le respect absolu de votre rythme
Votre autonomie et votre capacité à dire "stop" à tout moment
2. Une évaluation douce de votre état actuel
Comment vous sentez-vous dans votre corps aujourd'hui ?
Quelles sont les zones de confort, de neutralité ?
Quelles sont les zones de tension, d'inconfort ?
3. L'identification de ressources internes et externes
Qu'est-ce qui vous aide à vous sentir plus calme, plus ancré ?
Quels souvenirs, quelles personnes, quels lieux vous apportent un sentiment de sécurité ?
4. L'apprentissage de l'auto-observation
Comment porter attention aux sensations corporelles
Comment distinguer les différentes qualités sensorielles
Comment naviguer entre différentes zones du corps
Les séances suivantes : Une exploration progressive
Chaque séance se construit de manière unique, en fonction de ce qui émerge dans l'instant présent. Il n'y a pas de protocole rigide, mais une navigation guidée par l'intelligence du système nerveux.
Structure typique d'une séance :
1. L'arrivée et l'ancrage (10-15 minutes)
Comment êtes-vous aujourd'hui ?
Prise de contact avec le corps ici et maintenant
Activation des ressources identifiées
2. Le travail exploratoire (30-40 minutes)
Approche titrée d'une zone d'activation ou d'inconfort
Suivi des sensations, des micro-mouvements
Pendulation entre activation et ressources
Facilitation de l'achèvement de réponses incomplètes
Observation des décharges neurovégétatives
3. L'intégration et la clôture (10 minutes)
Retour à une zone de stabilité
Observation des changements survenus
Renforcement de la capacité de régulation
Ce qui se passe concrètement en séance
Le travail en SE est souvent très subtil, peu spectaculaire vu de l'extérieur, mais profondément transformateur.
Exemple d'une séance avec Émilie :
Émilie, 38 ans, consulte pour des attaques de panique récurrentes depuis un accouchement difficile. Elle décrit une "boule dans la gorge" presque permanente et un sentiment de "ne jamais pouvoir respirer à fond".
En séance, je l'invite d'abord à sentir le contact de son dos avec le dossier du fauteuil. Elle remarque que cela lui apporte un sentiment de soutien. Nous prenons le temps de vraiment ressentir ce soutien.
Puis je lui demande : "Si vous portiez juste une petite attention à cette sensation dans la gorge, sans chercher à la changer, qu'est-ce que vous remarquez ?"
Elle décrit : "C'est serré, c'est comme... comme si je ne pouvais pas avaler."
"Restez juste avec cette sensation. Y a-t-il une forme, une couleur, une température ?"
"C'est dur, c'est rouge, c'est chaud."
Nous observons quelques instants. Puis je remarque un micro-mouvement de ses mains vers sa gorge.
"Je sens que vos mains ont envie de faire quelque chose. Pouvez-vous juste sentir cette impulsion ?"
Ses mains se posent délicatement sur sa gorge. Ses yeux se ferment. Sa respiration change.
"Qu'est-ce qui se passe maintenant ?"
"Mes mains sont... elles sont douces. Elles protègent ma gorge. Je sens qu'elle se détend un peu."
Nous restons avec cette sensation plusieurs minutes. Progressivement, sa respiration devient plus profonde. Elle bâille plusieurs fois. La tension dans son visage se relâche.
"Et maintenant, cette boule dans la gorge ?"
"Elle est... différente. Plus petite. Moins dure."
Ce qui s'est passé : le corps d'Émilie avait besoin de protection, de douceur, pour cette gorge qui avait été en tension extrême pendant l'accouchement. En permettant à ses mains d'apporter ce geste de protection et de réconfort, son système nerveux a pu commencer à relâcher l'hyperprotection qu'il maintenait.
Les applications du Somatic Experiencing® : Un spectre large
Le stress post-traumatique
C'est l'indication princeps du SE. Qu'il s'agisse de :
Trauma unique (accident, agression, catastrophe naturelle)
Traumatismes répétés (maltraitances, violence conjugale)
Trauma complexe développemental
Trauma médical ou chirurgical
Trauma de naissance
Le SE offre une voie de résolution qui ne nécessite pas de revivre l'événement traumatique ni de le raconter en détail. C'est souvent un soulagement immense pour les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas mettre des mots sur ce qu'elles ont vécu.
Les troubles anxieux
L'anxiété généralisée, les attaques de panique, les phobies sont souvent l'expression d'un système nerveux bloqué en hyperactivation.
Le SE aide à :
Comprendre les signaux du corps qui précèdent l'anxiété
Développer des outils de régulation concrets et incarnés
Élargir la fenêtre de tolérance aux sensations d'activation
Retrouver un sentiment de sécurité interne
Exemple :
Pierre souffre d'anxiété sociale depuis l'adolescence. En séance, nous découvrons que son anxiété s'accompagne toujours d'une tension dans la poitrine et d'une envie de "se faire tout petit".
En explorant cette posture de "se faire tout petit", nous découvrons qu'elle remonte à son enfance, où il devait "ne pas faire de bruit" pour ne pas déranger son père violent.
En SE, nous travaillons à :
Renforcer sa capacité à sentir son ancrage, sa présence, son droit d'occuper l'espace
Permettre à son corps de compléter les mouvements de défense qu'il n'avait pas pu faire enfant (se redresser, repousser)
Élargir sa capacité à tolérer le regard des autres sans se contracter automatiquement
Les douleurs chroniques
De nombreuses recherches montrent le lien entre trauma et douleurs chroniques inexpliquées. Le SE est particulièrement efficace pour les:
Fibromyalgies
Douleurs pelviennes chroniques
Céphalées de tension
Douleurs dorsales persistantes
Syndromes de douleur régionale complexe
La logique : souvent, ces douleurs sont l'expression d'une tension chronique maintenue par un système nerveux en hypervigilance. En résolvant le trauma sous-jacent et en permettant au système nerveux de retrouver sa régulation, les douleurs peuvent se transformer.
L'épuisement professionnel et le burn-out
Le burn-out est souvent une forme de trauma par accumulation : le système nerveux a été en surrégime trop longtemps, sans possibilité de récupération.
Le SE aide à :
Reconnecter avec les signaux du corps qui ont été ignorés
Restaurer la capacité à ressentir et à réguler
Retrouver l'accès aux ressources internes
Reconstruire des limites saines
Les troubles dissociatifs
La dissociation – ce sentiment d'être coupé de son corps, de regarder sa vie de l'extérieur, d'être dans le brouillard – est une réponse de survie face à un trauma écrasant.
Le SE est l'une des rares approches capable de travailler avec la dissociation de manière sécurisante, en :
Allant extrêmement lentement
Renforçant massivement les ressources avant toute exploration
Travaillant sur l'ancrage et l'orientation dans le présent
Respectant absolument les mécanismes de protection
Autres applications
Le SE s'avère également pertinent pour :
Les troubles du sommeil
Les troubles de l'attachement
La préparation et le soutien autour de la naissance
L'accompagnement de personnes confrontées à des maladies graves
Le soutien aux professionnels exposés à des situations traumatisantes (soignants, pompiers, forces de l'ordre)
Recherches et validations scientifiques
Des études prometteuses
Bien que le SE soit une approche relativement jeune en termes de validation scientifique formelle, plusieurs études commencent à documenter son efficacité :
Une étude pilote publiée dans le Journal of Traumatic Stress (2017) a montré des réductions significatives des symptômes de TSPT chez des participants ayant suivi un protocole de Somatic Experiencing®.
Des recherches en neurosciences montrent que les approches psychocorporelles activent des zones du cerveau différentes de la thérapie cognitive seule, notamment :
L'insula (conscience intéroceptive)
Le cortex somatosensoriel
Les zones de régulation du système nerveux autonome
Peter Levine lui-même a collaboré avec des neuroscientifiques pour documenter les changements neurophysiologiques observés lors du travail en SE.
Ce que les neurosciences nous apprennent
Les travaux de Bessel van der Kolk, Stephen Porges, et d'autres chercheurs en traumatologie confirment les principes fondamentaux du SE :
Le trauma s'inscrit dans le corps : les zones cérébrales activées lors d'un souvenir traumatique incluent massivement les zones sensorimotrices et émotionnelles, tandis que les zones du langage et de la cognition sont souvent inhibées.
La régulation passe par le corps : la modification de l'état du système nerveux autonome influence directement les états émotionnels et cognitifs, et pas seulement l'inverse.
La sécurité est neurovégétative : le sentiment de sécurité ne peut pas être créé uniquement par la pensée; il nécessite que le système nerveux lui-même soit en état de sécurité (engagement social).
Le Somatic Experiencing® dans mon accompagnement
Une approche intégrative
Dans ma pratique à www.materrehappy.net, j'intègre le Somatic Experiencing® dans une approche globale qui peut également inclure :
L'écoute psychothérapeutique
Des outils de pleine conscience adaptés au trauma
L'EMDR
Des techniques de régulation émotionnelle
Un accompagnement des dimensions existentielles et spirituelles
Le SE n'est jamais utilisé de manière mécanique. C'est une danse subtile entre votre système nerveux et mon attention guidante, toujours au service de votre singularité.
Un cadre profondément respectueux
Le travail en SE repose sur plusieurs principes éthiques fondamentaux :
1. Votre rythme est sacré Nous n'allons jamais plus vite que ce que votre système nerveux peut intégrer. Vous êtes toujours aux commandes.
2. Vous n'êtes pas obligé de raconter Contrairement à d'autres approches, vous n'avez pas besoin de raconter ce qui vous est arrivé si vous ne le souhaitez pas. Le corps peut guérir sans que l'histoire soit verbalisée.
3. Vous êtes l'expert de votre expérience Je ne suis pas là pour interpréter ou analyser. Je suis là pour guider votre attention vers ce que votre corps essaie de vous dire.
4. Il n'y a pas de "bon" ou de "mauvais" ressenti Toutes les sensations, toutes les réactions sont accueillies avec respect. Votre système nerveux fait toujours de son mieux pour vous protéger.
Qui peut bénéficier du SE ?
Le Somatic Experiencing® peut vous aider si :
Vous ressentez du stress ou de l'anxiété sans toujours comprendre pourquoi
Vous avez l'impression que "votre corps reste en alerte" même quand tout va bien
Vous vous sentez coupé de vos sensations, engourdi, dissocié
Certaines situations déclenchent des réactions qui vous semblent disproportionnées
Vous souffrez de douleurs chroniques sans cause médicale claire
Vous avez vécu un événement difficile et ne vous sentez "plus comme avant"
Vous êtes épuisé, en burn-out, et avez perdu le contact avec vos besoins
Vous souhaitez une approche thérapeutique douce, respectueuse, qui ne nécessite pas de "revivre" le trauma
Ce que le SE ne fait pas
Il est important d'être clair sur ce que le SE n'est pas :
Ce n'est pas une "technique rapide" qui résout tout en quelques séances
Ce n'est pas de la relaxation ou du bien-être (même si cela peut apporter détente et mieux-être)
Ce n'est pas une approche cognitive qui analyse ou interprète
Ce n'est pas une méthode directive où le thérapeute "fait quelque chose" au patient
Ce n'est pas un substitut à un traitement médical quand celui-ci est nécessaire
Questions fréquentes sur le Somatic Experiencing®
Combien de temps dure un accompagnement en SE ?
C'est très variable selon les personnes et les situations. Certains ressentent des changements dès les premières séances, d'autres ont besoin d'un travail plus long. En général, un accompagnement se compte en mois plutôt qu'en années, avec des séances espacées de une à trois semaines.
Est-ce que je vais devoir raconter en détail ce qui m'est arrivé ?
Non. Vous pouvez raconter si vous le souhaitez, mais ce n'est absolument pas nécessaire. Le SE travaille directement avec ce qui est présent dans votre corps aujourd'hui, sans avoir besoin du récit détaillé de l'événement.
Est-ce que c'est difficile, douloureux ?
Le principe du SE est justement d'éviter toute rétraumatisation. Nous travaillons toujours en-deçà du seuil de débordement. Vous pouvez ressentir de l'inconfort, mais jamais de debordement ou de douleur insoutenable. À tout moment, vous pouvez ralentir ou arrêter.
Que se passe-t-il si je me sens submergé en séance ?
C'est précisément pour éviter cela que nous travaillons avec la titration et les ressources. Si cela arrive malgré tout, j'ai les outils pour vous aider à réguler immédiatement : retour aux ressources, orientation dans le présent, ancrage sensoriel.
Est-ce que le SE remplace une psychothérapie verbale ?
Pas nécessairement. Pour certaines personnes, le SE est suffisant. Pour d'autres, il peut être complémentaire d'un travail verbal. Nous évaluons ensemble ce qui convient le mieux à votre situation.
Est-ce que c'est validé scientifiquement ?
Le SE s'appuie sur des bases neuroscientifiques solides. Des études cliniques sont en cours et montrent des résultats prometteurs. C'est une approche reconnue par les professionnels de la traumatologie même si elle est encore récente dans le paysage de la recherche formelle.
Ressources pour aller plus loin
Livres fondamentaux
Par Peter A. Levine :
Waking the Tiger: Healing Trauma (1997) – Le livre fondateur du SE
In an Unspoken Voice: How the Body Releases Trauma and Restores Goodness (2010) – Approfondissement théorique et clinique
Trauma and Memory: Brain and Body in a Search for the Living Past (2015) – Sur la mémoire traumatique
Réveiller le tigre – Guérir le traumatisme (traduction française disponible)
Ouvrages complémentaires essentiels :
The Body Keeps the Score par Bessel van der Kolk (2014) – Une référence absolue sur le trauma et le corps
The Polyvagal Theory par Stephen Porges (2011) – La théorie qui éclaire le fonctionnement du système nerveux
Trauma and the Body: A Sensorimotor Approach to Psychotherapy par Pat Ogden, Kekuni Minton et Clare Pain (2006)
Le corps n'oublie rien par Bessel van der Kolk (traduction française)
Sites web et ressources en ligne
Sites officiels :
Somatic Experiencing International – Le site officiel de l'organisation fondée par Peter Levine
Somatic Experiencing France – L'association française SE
Stephen Porges – Site du créateur de la théorie polyvagale
Ressources professionnelles :
International Society for Traumatic Stress Studies (ISTSS) – Organisation internationale sur le stress traumatique
Vidéos et conférences
Conférences de Peter Levine :
Somatic Experiencing International - Chaîne YouTube officielle
"Healing Trauma" – Conférence TEDx par Peter Levine
"The Antidote to Trauma" – Interview approfondie sur le SE
Stephen Porges sur la théorie polyvagale :
"The Polyvagal Theory: Safety and the Social Engagement System" – Introduction accessible
Interviews et conférences disponibles sur sa chaîne YouTube
Bessel van der Kolk :
"How to rewire your traumatized brain" – Conférence remarquable
Nombreuses interviews sur le trauma et le corps
Documentaires et ressources audiovisuelles :
"The Wisdom of Trauma" (2021) – Documentaire avec Gabor Maté explorant différentes approches du trauma
Webinaires et formations en ligne disponibles via Somatic Experiencing International
Articles scientifiques accessibles
Payne, P., Levine, P. A., & Crane-Godreau, M. A. (2015). "Somatic experiencing: Using interoception and proprioception as core elements of trauma therapy." Frontiers in Psychology, 6, 93.
Brom, D., Stokar, Y., Lawi, C., et al. (2017). "Somatic Experiencing for Posttraumatic Stress Disorder: A Randomized Controlled Outcome Study." Journal of Traumatic Stress, 30(3), 304-312.
Podcasts recommandés
"The Wisdom of Trauma Podcast" avec Dr. Gabor Maté
"Being Well" avec Dr. Rick Hanson (épisodes sur le trauma et le corps)
"Therapist Uncensored" – Exploration de la théorie polyvagale et des approches psychocorporelles
Une invitation à revenir chez soi
Le Somatic Experiencing® nous offre quelque chose de profondément précieux : la possibilité de revenir habiter notre corps, de retrouver notre capacité innée à réguler, de faire confiance à nouveau à l'intelligence de notre organisme.
Peter Levine nous rappelle :
"Le trauma est un fait de la vie, mais il ne doit pas être une condamnation à perpétuité."
Votre corps n'a pas oublié comment guérir. Il attend simplement les conditions pour le faire : la sécurité, le rythme juste, l'attention bienveillante, l'autorisation de compléter ce qui est resté en suspens.
Le travail en Somatic Experiencing® n'est pas magique. Il est profondément ancré dans la réalité biologique de notre système nerveux, dans les lois naturelles de la régulation, dans la sagesse millénaire du corps.
C'est un chemin qui demande patience, douceur avec soi-même, et confiance dans le processus. Mais c'est un chemin qui mène vers plus de vitalité, plus de présence, plus de liberté d'être pleinement vivant.
Si vous sentez l'appel de cette approche, si votre corps vous dit qu'il est temps d'écouter ce qu'il a à vous dire, je serai heureuse de vous accompagner dans ce voyage de retour vers vous-même.
Pour aller plus loin avec moi
Sur mon site professionnel : www.materrehappy.net
Sur mon blog : www.voyage-en-terre-happy.com – Des articles approfondis sur le trauma, le corps, et les chemins de guérison
Pour prendre rendez-vous ou obtenir plus d'informations : N'hésitez pas à me contacter directement via le formulaire de contact sur mon site.
Cet article a été rédigé avec soin, temps et attention, en m'appuyant sur des sources vérifiables et reconnues. Toutes les citations de Peter Levine proviennent de ses ouvrages publiés. Les exemples cliniques sont des composites anonymisés respectant la confidentialité. Si vous souhaitez approfondir un aspect particulier du Somatic Experiencing®, je reste à votre disposition pour échanger.
Mentions légales : Le Somatic Experiencing® est une marque déposée. Cet article est rédigé à des fins d'information et d'éducation. Il ne remplace pas un avis médical ni un accompagnement thérapeutique personnalisé. Si vous souffrez de symptômes traumatiques sévères, veuillez consulter un professionnel de santé qualifié.










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