INCESTE VERS LA FIN D'UN TABOU ?
C'est un sujet encore tabou mais doucement la parole se libère et le voile se lève sur un sujet massif et dévastateur. Dans 80% des cas c'est dans la sphère familiale que se déroule ce drame. C'est un père, un oncle, un frère, un ami de la famille qui brisera la vie d'un enfant à jamais. L’inceste s’apparente à « une destruction totale de l’individu, de l’identité psychique et corporelle de l’enfant ». L’une de ses particularités réside dans la difficulté pour l’enfant qui le subit d’en saisir la gravité. Le terrible conflit de loyauté qu’il provoque, lié à la relation de proximité entre l’agresseur et la victime, a de fortes répercussions sur sa construction. Le tout aggravé, bien souvent, par la répétition des faits (source le Monde)
En 2020 le dernier sondage de l'ipsos que 32% des personnes interrogées connaissaient au moins une victime d’inceste dans leur entourage et 29% de ces Français déclarent que cette personne victime qu’elles connaissent est « Elle-même » Au total 10% des Français déclarent avoir été victimes d’inceste soit 6,7 millions de personnes. 78% de femmes et 22% d’hommes. (Source face a l'inceste.fr)
« Un Français sur trois connaît une victime d’inceste».
Le livre de Camille Kouchner « La Familia Grande » met en lumière un thème douloureux, souvent caché et tabou : l’inceste. Christine Angot évoquait ce sujet crûment dans ses livres il y a 20 ans sans réussir à mobiliser l’opinion publique, notre société soit disant civilisée ne semblait pas prête à prendre en considération un problème aussi primordial.
Aujourd’hui la parole se libère Ce silence complice et coupable dont nous sommes tous porteurs explosent et la société semble faire pression pour que les lois bougent et que les enfants victimes de ces crimes soient justement protégés. En janvier 2020 le livre de Vanessa Springora « le consentement » qui ne parlait pas d’inceste mais s’attachait à démontrer avec précision comment on peut enfermer une jeune fille dans un piège qui se referme sur elle-même avait permis un premier pas vers une libération de la parole. Le livre de Camille Kouchner paru en janvier 2021a accéléré et amplifié ce phénomène.
Pour preuve la déferlante de parole, d’aveux poignants sous le hashtag #MeTooInceste. Violé(e) par un oncle, un grand père, un père, un beau-père, un frère, autant de victimes qui affichent et parlent de leurs traumatismes en dévoilant leur calvaire. Le silence se brise. la honte change enfin de camp.
Car paradoxalement ce sont souvent les victimes qui se sentent coupables pas les violeurs ! Les victimes qui pour survivre s’enferment dans le silence, le déni, l’amnésie qui permet de supporter l’insupportable. Comment faire pour se relever d’une enfance volée, d’une innocence bafouée ? Il faudra du courage et tellement de temps.
«Est-il utile de rappeler qu’un enfant n’est jamais consentent pour une relation sexuelle avec un adulte. JAMAIS.».
Un enfant a rarement le pouvoir psychologique ou physique de dire non. Avant même que l’acte ne soit commis il est déjà dans la violence, le pseudo consentement est déjà une violence, il met l’enfant sous l’effet de la domination, de la peur.
Un enfant aura toujours du mal à parler car il sait inconsciemment qu’en parlant il brise l’équilibre ou l’harmonie familiale. Il sait qu’en parlant il fera exploser la paix apparente d’une famille tranquille, bien sous tous rapports. Il se sacrifiera par devoir, pour ne pas comme le dit Camille Kouchner « détruire le paradis de l’autre ».
Chacun de nous doit aider à prévenir et permettre à la parole à faire son chemin sans honte et sans tabou.
La prévention est la première arme, à la maison, dans les écoles au niveau de la médecine scolaire. Les professionnels de l’Éducation nationale ou de la petite enfance qui entourent l’enfant” doivent être capables de détecter les premiers signaux d’alerte dans le comportement de l’enfant et pour cela ils doivent être formés. Médecins , psys et tous les acteurs des métiers de la santé doivent oser interroger, investiguer et chercher ses crimes parfois inavouables pour aider à lutter contre ce fléau. Il faut cesser d’être aveugle, ouvrir les yeux pour mieux protéger les enfants, permettre la parole sans honte.
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Que penser d’une société qui ne fait entrer dans le code pénal l’inceste sur mineur qu’en 1976, oubliant au passage l’inceste sur majeur qui existe pourtant ! Un viol ou une agression sexuelle commise par un ascendant de la victime n’est considéré que comme une circonstance aggravante et l’inceste n’est pas une infraction spécifique dans le code pénal ! Un viol incestueux est puni de seulement vingt ans de réclusion criminelle alors que celui qui en est victime payera toute sa vie. Est-ce normal ?
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Fort heureusement le système pédo-criminel est en train de se lézarder et la prise de conscience collective permet enfin la fin d’une tolérance inacceptable et une dénonciation à la hauteur de la réalité et de la gravité des faits. Le Sénat doit examiner prochainement une proposition de loi visant à créer « un nouveau crime sexuel » pour protéger les mineurs de moins de 13 ans.
« 6, 7 millions de personnes déclarent avoir été victime d’inceste, 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 »
La question de l’imprescriptibité pour l’instant réservé aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, fait encore débat. Certains juristes pensent qu’elle augmenterait considérablement le risque d’erreur judiciaire en raison du “dépérissement des preuves et du manque de fiabilité des témoignages” La preuve ne pouvant être établie cela serait donner de faux espoirs aux victimes. Face a une femme me disant qu’elle, toute sa vie payerait le prix fort, j’avoue que j’ai du mal a accepter qu’il puisse y avoir une quelconque prescription.
Et vous qu’en pensez-vous ?
DES LIVRES POUR ALLER PLUS LOIN
En France, l’inceste concernerait 10 % de la population, selon une enquête Ipsos pour l’association Face à l’inceste.
Pour l’anthropologue Dorothée Dussy, deux à trois enfants par classe sont concernés. Cela veut aussi dire que probablement dans vos amis ou connaissance une personne est concernée ! Chaque année, ce sont 165 000 enfants qui sont victimes de pédocriminalité. Le sujet effraie, parce qu’il est douloureux et touche à l’intimité même de la cellule familiale.
Voici 4 livres remarquables sur ce sujet qui éclairent sur la réalité d'un phénomène longtemps tabou. Avant d'être spécialisée dans le traumatisme, je n'aurai jamais imaginé l'ampleur du problème et souvent les récits que j'entends dépasse la raison.
LA FABRIQUE DES PERVERS-SOPHIE CHAUVEAU
Un livre fondamental sur l'inceste. Qui part du particulier pour aboutir au collectif et démêle avec une grande fermeté les fils intriqués d'une tradition familiale crapuleuse et ceux d'une société et d'une législation tolérantes sinon complices à l'égard de tous les bourreaux de leurs propres enfants. Un ouvrage incontournable a lire !
LE BERCEAU DES DOMINATIONS- DOROTHEE DUSSY
Une anthropologie de l'inceste qui se penche sur les mécanismes complexes par lesquels l'inceste est couramment pratiqué dans l'intimité des foyers français. À la faveur du réel, et de la banalité des abus sexuels commis sur les enfants, l'inceste se révèle structurant de l'ordre social. Il y apparaît comme un outil de formation à l'exploitation et à la domination de genre et de classe. Cinq ans d'enquête ethnographique sont restitués dans ce livre : un voyage subversif au cœur de familles que rien, ou presque, ne distingue des vôtres (source la fnac)
L'INCESTE NE FAIT PAS DE BRUIT - BRUNO CLAVIER - INES GAUTHIER
Bruno Clavier est psychanalyste et psychologue clinicien, il est un grand spécialiste de la psychologie transgénérationnelle. Ce livre oeuvre pour la prévention des violences sexuelles. Il offre à la fois des témoignages et une parole thérapeutique.Ce livre parle de l'amnésie traumatique et de l'amnésie infantile pour comprendre que plus les violences sexuelles ont lieu précisément dans l'enfance plus il est difficile-mais pas impossible-de s'en souvenir.
LA CULTURE DE L'INCESTE
Un livre qui sort des témoignages et des débats psychanalytiques pour se concentrer sur une seule et unique question : pourquoi ? Quels sont les ressorts sociaux et anthropologiques de l'inceste ? Comment interroger nos représentations (dans la culture populaire, dans la pornographie) ? Comment faire le lien avec les dominations à l'oeuvre (des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes...) ?
D'autres ouvrages à lire : Ou peut être une nuit-Charlotte Pudlowski, Je suis un risque-Marie Philothée Mallais, Ne le dis pas à maman - Toni Maguire, le voyage dans l'est -Christine Angot
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